Accueil/ expose
Le discrédit de l’Europe
mercredi 01 octobre 2014

Loading the player ...
Descriptif

Conférence de Marc Crépon dans le colloque Derrida à venir, questions ouvertes, organisé par l’ENS et l’IMEC

« Le crédit de l’Europe est épuisé ». Il y a  bien des façons d’entendre un tel énoncé. Au-delà du sens évidemment économique qu’on est tenté  de lui donner, selon lequel l’appartenance à la communauté européenne aurait cessé  de signifier, pour beaucoup -à commencer par les Athéniens-,  une « ressource » et une « sécurité », se retournant au contraire en une source croissante d’insécurité, la formule, pour ce qu’elle vaut, fait signe aussi bien vers une redoutable crise de confiance : « l’Europe ne fait plus recette ». Même la promesse  d’une paix durable qu’elle semblait porter encore, à la fin du siècle dernier, ne fait plus « rêver », aussi vrai qu’on ait pu parler, comme Jeremy Rifkin le faisait encore, il y a quelques années, d’un « rêve européen ». Aussi le crédit en question n’est-il pas seulement celui que la communauté consent aux Etats endettés, c’est également celui que les citoyens d’Europe accordent à ses institutions. En forçant un peu sur les mots, « l’Europe ne fait plus crédit » signifie qu’elle n’est plus portée par la vague d’une croyance : la plupart ont cessé d’y croire. On ne croit plus en ses institutions, soupçonnées  de servir exclusivement les intérêts d’une classe  dominante, y compris dans les valeurs démocratiques qu’elles se reconnaissent comme fondement — mais, du même coup, on ne croit pas davantage en une supposée « identité européenne». Et là encore, il y a assurément de bonnes raisons  de mettre en doute son invocation, tant l’histoire de l’Europe est indissociable des images de  sa propre identité qu’elle n’aura cessé  de construire et de projeter dans le monde, avec tout ce  que celles-ci purent avoir de dominateur et d’exclusif. Loin d’être reconductible à une simple, double ou triple origine culturelle définie une fois pour toutes (Athènes, Rome et Jérusalem), cette identité, en effet, fut toujours relationnelle : son histoire et son devenir sont indissociables non seulement des rapports multiples que les nations européennes nouèrent les unes avec les autres, mais au moins autant des relations qu’elles ont entretenues avec ce qu’elles pensèrent et définirent comme leurs altérités. Si quelque chose donc comme une « identité culturelle »  de l’Europe devait être pensée, celle–ci n’aurait de sens, à rebours  de toutes les identifications et appropriations indues, que dans l’horizon historique, complexe et souvent conflictuel, de ses ouvertures multiples.

 En Savoir +


Voir aussi


  • Aimer sa langue autrement
    Marc Crépon
  • «Et personne ici ne sait qui je suis», l...
    Marc Crépon
  • Populisme et démophobie
    Marc Crépon
  • Penser le droit avec Kafka : notes sur q...
    Marc Crépon
  • Parole donnée. Autour de Marc Crépon
    Frédéric Worms, Marc Crépon, Danielle Cohen-Levinas, François Thomas
  • Du consentement au meurtre
    Marc Crépon
  • Dupe de la violence ?
    Marc Crépon
  • La peine de mort et le temps
    Marc Crépon
  • D’un consentement meurtrier. Une lectur...
    Marc Crépon
  • Échanges autour de Jaurès
    Frédéric Worms, Marc Crépon, Vincent Duclert, Sophie Coeuré, Marc Mézard, Vincent Peillon, Christophe Rogue, Sylvia Estienne
  • MOOC - Les problèmes métaphysiques à l’é...
    Frédéric Worms, Marc Crépon
  • Contrer la violence
    Marc Crépon
  • Migrants
    Marc Crépon, Marc Porée
  • La philosophie face à la terreur : une l...
    Marc Crépon
  • Table ronde d’actualité critique autour ...
    Frédéric Worms, Marc Crépon, Jean-Louis Halpérin, Marc Porée, Olivier Christin
  • La déchéance de nationalité
    Marc Crépon, Florence Weber, Frédéric Salin, Alison Bouffet, Pierre Baussier
  • Le consentement meurtrier
    Marc Crépon
  • De quoi Donald Trump et le Brexit sont-i...
    Marc Crépon, Pauline Schnapper, Pierre Guerlain
  • Penser la Révolution entre histoire et p...
    Marc Crépon, Sophie Wahnich, Judith Revel, Perrine Simon-Nahum, Danilo Scholz

  • Conclusion de la journée: Le bonhe...

    Marc Crépon, Marc Porée, Daniel Cohen, Claudia Senik
  • Mai 68 / L’invention solidaire de la sin...
    Marc Crépon
  • Trois normaliens dans la guerre : Jean J...
    Marc Crépon
  • Gandhi : quel héritage ?
    Marc Crépon, Shaj Mohan, Divya Dwivedi
  • Contrer la violence
    Marc Crépon
  • Regard sur l’Europe de l’Est et sur la C...
    Marc Crépon, Serge Yosypenko, Michel Eltchaninoff
  • Obliquité de la littérature
    Isabelle Alfandary
  • Feu la mort : deuil, survie, résurrectio...
    Jacob Rogozinski
  • Quelle voix pédagogique reste-t-il des l...
    Yuji Nishiyama
  • La fin et le commencement du livre
    Elise Lamy-Rested
Auteur(s)
Marc Crépon
Ecole normale supérieure
Philosophe

Plus sur cet auteur
Voir la fiche de l'auteur

Institutions : Ecole normale supérieure-PSL

Cursus :

Marc Crépon est directeur de recherches au CNRS (Archives Husserl), il a dirigé le département de philosophie de l’École Normale Supérieure de 2011 à 2019 ; il est actuellement directeur du Master de philosophie de l’université Paris Sciences Lettres.

Il travaille en philosophie morale et politique, avec pour fil conducteur la question de la violence. Il a publié Ces temps-ci, la société à l’épreuve des affaires de mœurs, (Payot-Rivages, 2020); Le désir de résister, un esprit critique pour notre temps, (éd. Odile Jacob, 2021), L’héritage des langues, séminaire 2020-2021, (Fayard, 2022) ; Journal de Moldavie 1987-1988, Juillet 2022 (Verdier 2023) et Sept leçons sur la violence, (éd. Odile Jacob, 2024).
Plusieurs de ses livres sont traduits en anglais, en espagnol, en italien et en serbo-croate.

Cliquer ICI pour fermer
Annexes
Téléchargements :
   - Télécharger l'audio (mp3)

Dernière mise à jour : 28/06/2016